Mont-Rhumsiki, Mokolo, Nord-Cameroun

lundi 13 décembre 2010

Garoua: Noel, fraternité et partage

Dans la plus grande métropole du Grand-Nord, le fête de Noël est considérée, autant par les chrétiens, musulmans et animiste, comme un moment de communion et de partage.

«Pour moi, la fête de Noel représente, autant que la fête de Ramadan que de Mouton, une occasion de vivre ensemble, de partager avec ses voisins, ses amis et ses collaborateurs de travail». Ainsi s’exprime Abdou, musulman, employé dans un grand magasin de la ville de Garoua. Selon lui, on ne peut pas y échapper car Noel est une très grande fête. « Nous vivons dans une ville où les communautés musulmanes, chrétienne et même païenne vivent leur croyance. Au quotidien comme lors des grands évènements, on se côtoie et on vit ensemble», ajoute-t-il même s’il admet qu’il ne dépense rien et passe la journée à honorer à des invitations des proches.
«Moi je suis d’une famille qui est moitié musulmane et moitié chrétienne. Il n’y aucune raison pour nous de ne pas fêter la Noel. C’est même absurde car autant qu’à Noel ou pendant le ramadan, tout le monde est concerné et c’est la fête dans la grande famille. Mes oncles chrétiens et musulmans se rencontrent et partagent des repas traditionnels et se racontent de vieux souvenirs. C’est un moment exceptionnel. Et même, pendant le jeune du Ramadan, mes cousins et neveux chrétiens jeûnent et nous accompagnent. Ils se privent de manger toute la journée. Ça renforce nos liens et instaure la tolérance dans la famille », révèle Jean Bouba, originaire du Mayo-Kani. « Pour preuve, je porte deux noms : chrétien et musulman », se vante-t-il.
Devenue musulmane par alliance, Habiba, elle a épousé un jeune «Alhadji » avec qui elle a deux enfants. « Je partage depuis cinq ans la vie et la foi de mon époux. Lui et moi honorons toujours à l’invitation de ma famille tout comme eux aussi nous rendent visite. Refuser de fêter et considérer cette occasion de partage serait comme nier les liens qui nous unissent lui et moi, ma faille et la sienne », croit savoir Habiba. Dans cette partie du pays, comme il est de coutume en de pareille occasion, certaines, non chrétiens, ne lésinent pas sur les moyens pour recevoir les « invités qui pourront passer vous dire bonjour ce jour-là », explique Hamadou.
Noel, c’est la fête des enfants. Coïncidant avec la fin d’année et du premier trimestre dans les écoles, les enfants de la maternelle particulièrement, reçoivent de multiples cadeaux de leurs parents et proches. « L’arbre de noël qui coïncide avec la remise des cadeaux de congé de Noël est un grand moment pour les parents de découvrir les qualités de comédiens, danseurs et de prestation dans les récitations de leurs enfants. Ici, les parents sont heureux d’ accompagner leur progénitures », révèle une maitresse de l’école maternelle de Djamboutou. Ils ont alors le bonheur de partager les premières expériences de ces derniers.
A l’approche de noël, dans les hôpitaux, les prisons et les orphelinats, les enfants malades et abandonnés ont l’occasion d’écouter l’histoire du petit Jésus qui est et reste leur fidèle compagnon. « Nous offrons des cadeaux à tous les enfants hospitalisés et aux nouveaux nés le jour de noël », indique une infirmière d’un hôpital privé de la place. «Mon fils est né le 25 décembre 2008 et ce jour là, il a reçu de nombreux cadeaux offerts à l’occasion de la fête de noël. Je ne peux pas oublier ces instants. Depuis, la venue de Noël est restée pour moi un moment de réjouissance. D’ailleurs l’anniversaire de mon fils est célébré ce jour-là et il y a la fête à la maison. J’en profite d’ailleurs pour en faire une grande fête et inviter tout le monde », raconte Amina, une musulmane convaincue.
Les grandes personnes ne sont en reste. « Je n’ai jamais compris la magie de noël. C’est un miracle. Pendant cette fête, de nombreux jeunes de mon village, partis en aventure, reviennent tous pour fêter au village. Or, beaucoup ne sont ni chrétiens ni musulmans », constate Matakwan, pousseur à Garoua. D’après son récit, « même pour les gens qui adorent encore les ancêtres, c’est un moment merveilleux. Beaucoup se décident d’ailleurs pour la première fois à aller à l’Eglise, question d’aller voir », raconte ce jeune homme originaire de Mokolo dans le Mayo-Tsanaga. « Noel c’est pour tout le monde. Il s’agit simplement de voir les fréquentations des magasins, foires, marchés et lieu de promotion pour savoir qu’il ne s’agit pas d’une fête réservée aux chrétiens. C’est vraiment un moment de communion », conclu Pascal Douswé.

Garoua : Woïla hip hop fait son spectacle

Un show mémorable a été offert au public de Garoua lors de la 2e édition du Festival Woïla HipHop 2010 qui a rassemblé près de 500 jeunes au Centre culturel français.

Avec les passages acclamés et euphoriques des artistes invités et en provenance de Ngaoundéré, Maroua, Yaoundé et Ndjamena au cours du grand concert hip hop clôturant la 2eédition du festival Woïla HipHop 2010, le 11 décembre, les populations de la ville de Garoua ont cette fois encore admiré les prestations des rappeurs « locaux ». Parrainée par le rappeur Parol, la deuxième édition du festival a connu la participation des rappeurs, danseurs, dj’s, graffitistes, communicateurs, managers et producteurs. Sur le podium, Dogg Fadah et Aimé Love du Tchad, Amerd D et Lasko de Ngaoundéré, Red Street de Maroua, Sahel HipHop Crew, Xylem, Cosmic Amer de Garoua. Un show mémorable offert au public de Garoua le samedi 11 décembre à l’Alliance française. Près de 500 jeunes en délire, ont fait la fête jusqu’à minuit avec les artistes qui se sont succédé sur la scène. A l’entrée de Parol, la salle s’est littéralement embrassée avec des « tueries » de son premier album et de sa street tape.
Le festival Woïla HipHop a offert aux artistes du Nord Cameroun, très peu en mouvement, « une vraie opportunité de rencontre et d'échange avec les artistes venus d'ailleurs », selon dj Kader, membre de l’association 2H. A travers l’exposition : Kamer, 20 ans de cultures urbaines, des ateliers d’écriture, de montage assisté par ordinateur animé par dj Kader et dj Kalbo (Maroua), graffiti et de danse, de rencontre d’échange, de projection documentaire, le concert « Découverte » avec les artistes locaux et du grand concert baptisé « la Nuit du Show hiphop », les adeptes du hip hop ont servi et édifié pendant deux jours.
Pour ses concepteurs, Woïla Hip Hop festival offre aux artistes du Nord-Cameroun d’exprimer leur culture urbaine sous ses différentes formes, susciter l’intérêt des pouvoirs publics, des mécènes et des bailleurs de fond à soutenir le secteur artistique et culturel et l’accompagner dans son processus de développement tout en favorisant la circulation et les échanges entre artistes de la sous-région Afrique centrale. Par ailleurs, il s’agit de mettre en valeur les créations des artistes du Grand-Nord et trouver des voies et moyens pour une diffusion de leur création, créer un réseau d’artistes et acteurs des cultures urbaines du Grand Nord afin d’internationaliser le festival en nouant des partenariats avec d’autres festivals internationaux et des institutions internationales.
« Passeport pour les cultures urbaines dans le Grand-Nord, Waila hi hop permet depuis la première édition, la circulation sous régionale des artistes. Il est aussi un espace de formation et de professionnalisation pour les artistes et pour les jeunes opérateurs culturels de la zone sahélienne », explique le rappeur Salaam venu de Ngaoundéré. Au terme de la 2e édition du festival qui a cette fois connu le soutiens de plusieurs sponsors, de nombreuses propositions constructives ont été apportée afin de dynamiser les cultures urbaines dans la partie septentrionale, de renforcer les capacités des principaux acteurs et de bâtir un axe culturel Cameroun –Tchad.

Interview
«Dans ce pays, on clochardise les artistes »
Ebah Essongue Shabba, administrateur du festival Woïla HipHo
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Quel a été le point fort de la 2e édition du festival Woïla HipHop 2010 à Garoua ?
Merci de me donner l’opportunité de revenir sur cette 2e édition du Festival Woïla HipHop 2010 qui s’est tenue du 10 au 11 décembre à Garoua. Plutôt que de points fort je parlerai de monter en puissance. D’abord nous notons un engouement du public qui traduit un réel intérêt pour les cultures urbaines, les sponsors ont mieux réagit cette année et les artistes nous sollicitent davantage pour des programmations. L’édition 2010 a proposé un pré festival annonçant l’édition 2011, avec comme particularité celle de présenter des têtes d’affiches nationales et internationales montrant la volonté de ces derniers d’accompagner le développement du hip hop dans le Nord-Cameroun. Les artistes invités a cette édition était Parol (le parrain : Ndlr), Dogg fadah et Aimé Love du Tchad, Amer D et Lasko de Ngaoundéré, Kalbo et Red Street de Maroua, Sahel HipHop et Xylem de Garoua. Le festival est organisé par l’association 2H en partenariat avec l’Alliance française de Garoua.

Que vise toute l’activité menée autour du festival ?
Comme tout festival, le Woïla hip hop offre avant tout une vraie opportunité de rencontre et d'échange entre les artistes locaux et ceux venus d'ailleurs. A travers les différentes activités, atelier d’écriture, montage assistée par ordinateur, rencontres professionnelles… nous voulons professionnaliser les principaux acteurs de cette filière, diffuser leur création et éventuellement leur permettre de vendre celles-ci. En bref, il s’agit pour nous de donner aux populations locales le goût du hip hop.

Vous définissez le hip hop comme une culture urbaine. Peut-on savoir ce à quoi ça rime ?
Les cultures urbaines regroupent les sports et les arts urbains ou les arts citadins. Les disciplines sont variées notamment la danse, les genres musicaux rap, slam, hip-hop, human beat box, le sports de rue comme le roller, skate, BMX, basket de rue, parkour, foot de rue, golf de rue…, l’urban photo, graffiti, street wear, deejing, etc. Le hiphop a cette particularité d’intégrer une bonne partie de ces disciplines. Bien loin de l’image de violence ou de vulgarité qu’on lui attribut souvent, le mouvement hip hop véhicule des idéaux de paix, d’unité, de solidarité et de tolérance prônés par des précurseurs afro-américains tels Africa Bambaaata, Grandmaster Flash . Par ailleurs, à travers le monde, de nombreux jeunes s’identifient à l’image du hip hop. C’est une culture dite urbaine qui fédère et permet à cette jeunesse d’affirmer une façon d’être et de penser. Mais bien plus qu’un simple état d’esprit, les arts urbains sont un vecteur de développement humain comme d’autres cultures. Les arts urbains ont la capacité aujourd’hui d’être à l’échelle mondiale, présents partout et très liés à la jeunesse du Grand-Nord également.

Culture sahélienne et hip hop urbain, où placer le trait d’union ?
Nous fusionnons le rap avec certaines sonorités traditionnelles du Grand-Nord. Le hip hop est une culture mondiale et nous ne voulons pas nous y arrimer sans y apporter notre touche particulière. Notre apport se situe au niveau du métissage que nous faisons dans nos créations musicales. Nous sommes fières de rejouer la Gouma, par exemple, à la façon hip hop. C’est original, cela nous permet de pérenniser aussi cette culture. A travers le concept Sahel Hip Hop par exemple, nous avons fait dans de la fusion de rythmes et c’est avec succès que nous avons présenté le projet à Yaoundé, Buéa, Douala, Ndjamena…

Quelles difficultés rencontrent les adeptes de ce style musical dans le Grand-Nord ?
Les difficultés sont énormes. Nous avons le manque de structures pouvant accueillir des spectacles de danse urbaine par exemple. Il n’existe pas de matériel de sonorisation digne de ce nom en dehors de celui de l’Alliance franco-camerounaise de Garoua. Mais c’est insuffisant. D’autre part, le public n’est pas toujours curieux et n’encourage pas les artistes dans leur travail de création. Comme quoi ils souffrent de cette étiquette de violent et de vulgaire qu’on leur colle et dont je parlais plus haut. Il faut s’ouvrir à toute sorte d’expression artistique car l’ignorance peut aussi être culturelle.

La fermeture des salles des spectacles est presque venue achever la promotion des activités culturelles dans cette parie du pays notamment a Garoua. Comment faites vous pour vivre de votre art ?
Je suis promoteur culturel et directeur de festival, cependant j’ai un travail en parallèle qui me permet de vivre et de subventionner mes activités. La triste réalité c’est que nous ne vivons pas de notre art mais nous vivons notre passion. Dans ce pays on clochardise les artistes et on néglige les promoteurs culturels. Je salue en passant tous ceux qui comme moi croient en la culture, au potentiel de nos artistes et qui œuvrent pour que demain soit meilleur culturellement parlant.

Repères

La première édition du festival Woïla Hip Hop s’est tenue du 10 au 12 décembre
2009 à l’Alliance franco-camerounaise de Garoua. Organisée à titre expérimentale, elle a permis d’asseoir le festival qui a ainsi reçu un accueil favorable de la part du public et du partenaire majeur : l’Alliance franco-camerounaise. Elle s’est déroulée sur deux soirées. A la première soirée le vendredi 11 décembre, l’on a eu droit à la soirée découverte consacrée aux groupes régionaux confirmés (Sahel HipHop, Xylem, Yacine...) La deuxième soirée le samedi 12 décembre, à été consacrée à la clôture du festival avec notamment le concert du rappeur Boudor, invité et parrain de cette première édition. Signalons qu’il a été organisé en amont, une exposition sur le hip hop au Cameroun. Ce fut une occasion pour les néophytes de découvrir la scène hip hop camerounaise à travers, des images d’archives (photos, affiches, fyers), quelques albums d’artistes, etc… Une édition pleine de surprises et d’enseignements.
Organisatrice du festival Woïla hiphop à Garoua, 2H travaille depuis 5 ans à la mise en œuvre des projets culturels et musicaux. Association culturelle, 2H veut apporter une nouvelle dynamique culturelle dans la région du grand Nord
Cameroun. 2H apporte à l’Alliance française de Garoua sa collaboration artistique, et technique pour produire, coproduire et diffuser des spectacles au
Nord Cameroun. L’Alliance franco-camerounaise de Garoua a la volonté marquée de soutenir et d’accompagner les amateurs et professionnels des cultures urbaines dans le Nord Cameroun.