Mont-Rhumsiki, Mokolo, Nord-Cameroun

dimanche 26 avril 2009

Soulédé-Roua : Le quotidien des populations sans eau potable


Alors que le cortège du Rdpc, en tournée de remerciement dans le Mayo-Tsanaga, avance sur la route rocailleuse qui mène de Mokolo à Soulédé Roua en passant par Mandaka et Bao le 24 avril 2009, une image retient toutes les attentions. Sous un arbre, près du radier qui sert de limite entre Mokolo et Bao, les populations s’activent à décharger d’un camion bleu, leur ration d’eau quotidienne, contenue dans des bidons de 20 à 40 litres. On peut ainsi distinctivement apercevoir, femmes et enfants qui s’empressent et se bousculent. « C’est triste et même pathétique !» lance alors un militant du parti des Flammes, au fond du bus réquisitionné pour la tournée, comme pour dire haut et fort, les tribulations des populations villageoises de cette région qui vivent depuis des décennies, sans eau ni électricité.
Le long du parcours, cette image de zone aride, sèche et assoiffée hante les esprits. Ici et là, se sont hommes, femmes et enfants, transportant l’eau dans des jerricanes, des bidons et des récipients en terre cuite, qui défilent. « Dans les villages de Bao-Tassaï, Bao-Ndevgaï, Roua, Mazam, Midré et environs, se procurer l’eau potable relève du parcours du combattant en ce moment » explique un conseiller de la commune rurale de Soulédé-Roua. « En cette période de canicule, il faut se lever vers 3 heures du matin pour aller chercher l’eau dans des points d’eau quasi-asséchés » réplique Matakon, habitant de Mazam alors que le président de la sous-section de Roua, Beklef Madala, dégaine les doléances des populations au sujet du besoin « absolu » de l’approvisionnement en eau potable du district de Soulédé-Roua à l’adresse de Zacharie Perevet, au terrain de municipal de Roua, lieu du meeting du Rdpc. Tous les jours, par dizaines, des femmes, filles et enfants prennent la route du barrage de Mokolo, situé à une dizaine de Km de Soulédé, à la recherche l’eau, denrée « très rare ». « Avant d’aller à l’école le matin, je fais au moins deux tours d’eau pour la maison. Mes parents sont fatigués et nous élevons chèvres, moutons, bœufs et porcs qui boivent beaucoup en cette période de chaleur. Or, il faut bien les donner à boire ! » insiste Dazna, une élève de la célèbre école primaire privée de Soulédé qui a formé la majorité des élites du coin notamment l’actuel ministre de l’Emploi et de la formation professionnelle, Zacharie Perevet.
« C’est difficile pour nos populations de vivre ainsi » reconnaît Ngabaya Tcheftchef, un inspecteur des régies civil à la retraite, élite influente de l’arrondissement. Selon lui, cette situation pénalise les populations qui n’arrivent pas à subvenir à leur besoin en eau potable. Une réalité qui n’est pas sans risque car « en 2003, nous avons enregistré trois décès à cause de manque d’eau » se souvient Ngabaya.
D’après son récit, deux vieillards avaient été retrouvés inertes dans leur case. Près d’eux, on avait trouvé un canari vide, une calebasse sèche entre les mains et la bave dégoulinante de la bouche. « Il a fallu arracher les calebasses des mains des deux vieillards car ils les tenaient solidement » précise Ngabaya par ailleurs conseiller municipal de la commune de Roua. La troisième victime, selon ses dires, était une femme qui avait été « déchiquetée », sans être dévorée, par une panthère alors qu’elle s’était rendue à 3 heures du matin dans l’unique point d’eau du village. « Croyant qu’elle bousculait une femme du village, elle ne s’était pas aperçue que c’était une panthère qui cherchait à se désaltérer » raconte notre source.
Dans l’arrondissement de Soulédé-Roua et dans les environs, des histoires morbides, relatives à l’eau, ne manquent pas. Selon un lawane de Midré, il y a quelques années, le cas d’un père de famille qui s’était rendu à Mokolo, à dos d’âne, pour se procurer de l’eau, est connu de tous. Ayant rempli ses deux bidons, il décida de faire boire son âne. « L’âne qui n’avait pas bu une seule goutte d’eau depuis trois jours, s’est mis à boire, boire et boire. A la fin, il tomba raide mort. Regardant son âne mort, ses deux bidons pleins et posés là près de l’animal inerte, pensant à sa famille restée sans eau, il s’écroula ».
Pour le maire de la commune de Soulédé-Roua, « l’approvisionnement en eau potable du district est essentiel ». Selon lui, ce sont les financements qui posent problème puisque des études relatives au coût des travaux estimé à 550 millions avaient été réalisées avec l’expertise du Midima. « Depuis, c’est un silence radio. On ne comprend pas toujours pourquoi on laisse les populations mourir de soif » dénonce un enseignant du lycée de Roua. Pour Sawalda, militant de l’Undp, il s’agit simplement d’un manque de volonté politique. « La ville de Mora située à plus de 60 Km vient d’être approvisionnée en eau potable alors que les populations de Mozogo et Soulédé-Roua et des environs, pourtant tout près, peuvent continuer à mourir de soif sans que cela ne gêne personne ».